LA VIE RELIGIEUSE

Avec la précieuse collaboration de Claire Bacquier, Louis Ferrasse, Hélène et Yvonne Lala et de Jeanne et Pierre Perry.

 

LES FETES ET LES PROCESSIONS

 

Les fêtes religieuses générales ou propres au village donnaient l’occasion à la population de célébrer des moments d’exception contrastant avec la monotonie de la vie rurale.

 

La Fête-Dieu

 

Cette fête est célébrée en l’honneur de l’Eucharistie et au cours de laquelle le Saint Sacrement est offert à l’adoration des fidèles. En France, elle se déroulait pendant les deux premiers dimanches après la Pentecôte (le 1er dimanche correspond à la fête de la Trinité).

A Lasbordes, les fidèles, en particulier les femmes, confectionnaient des reposoirs dans les rues du village. Ils étaient décorés de bouquets de fleurs (champêtres ou cultivées), de verdure (genêt, vigne) de chandeliers et de cierges. Ces reposoirs étaient tendus de draps blancs ou de tissus de couleur selon leur attribution ; bleu pour le reposoir de la Vierge, rose pour celui de la maison Béziat et rouge pour celui de la maison Chavart (reposoir dédié au Sacré Cœur). Sur le parcours de la procession, les rues revêtaient leurs parures de fête, les villageoises accrochaient leurs draps blancs, en général les plus beaux, aux façades des maisons. Cette parure blanche était rehaussée de bouquets de fleurs et de verdure épinglés aux draps. Les rues étaient jonchées de toute sorte de verdure (genêt).

 

Pour le premier dimanche, on élevait trois reposoirs, un sur la place du village (maison Arcis), un dans la rue circulaire (maison Ramade) et un autre à la maison Ferrasse (rue circulaire). Le deuxième dimanche, la procession avait lieu dans la grand-rue où trois reposoirs étaient dressés pour l’occasion : un à la statue de la Vierge, un à la maison Béziat et un autre à la maison Chavart. Chaque quartier du village rivalisait dans l’ornementation des rues et des reposoirs.

La procession du premier dimanche débutait après la messe, alors que celle du second dimanche se déroulait avant les vêpres. Un homme battait le tambour lors de la procession (au XIXème siècle uniquement), il était suivi du Saint Sacrement porté par le prêtre. Ce dernier, revêtu d’une chape d’or et de l’écharpe, se tenait sous le dais de moire blanche et de passementeries d’or. Ce fameux baldaquin était porté par les membres du conseil municipal (le 1er dimanche) et par la jeunesse du village (le 2nd dimanche). Ces messieurs étaient gantés de blanc pour tenir les colonnes et les cordons du poêle. On sortait pour la circonstance la bannière de la Vierge portée par les jeunes filles.

Figure 2 : Reposoir à Lasbordes en 1920.

Des enfants, précédant la procession, jetaient des pétales de fleurs sur le passage du Saint Sacrement. Les enfants de chœur, en soutane rouge et surplis blanc, assistaient le célébrant dans la cérémonie, l’un portait la croix processionnelle, les autres tenaient l’encensoir, la navette et des cierges allumés. L’assistance suivait en chantant des cantiques.

Arrivé au reposoir, le prêtre posait l’ostensoir sur l’autel, il priait, puis encensait le Saint Sacrement. Ensuite, il bénissait les fidèles en faisant un signe de croix avec l’ostensoir. A cet instant, l’assistance s’agenouillait dans la rue.

On chantait alors les hymnes au Saint Sacrement : Tantum Ergo, O Salutaris, Veni Créator et Lauda Jérusalem. Puis la procession se rendait à un autre reposoir.

A l’occasion de la Fête-Dieu, les communiants renouvelaient leur profession de foi. Les filles revêtaient leur robe blanche de communion et leur couronne de roses blanches alors que les garçons arboraient un brassard blanc sur la manche de leur costume. Ils participaient à la procession.

Les Rogations

Les processions des Rogations se déroulaient sur les trois jours précédant la fête de l’Ascension pour demander de bonnes récoltes. Très tôt le matin (avant l’heure de l’école), femmes et enfants assistaient à la messe, puis cette assistance se rendait en procession à différentes croix champêtres garnies pour la circonstance. Tout le long du parcours, les fidèles, suivant le prêtre et les enfants de chœur, récitaient chapelet et litanies des saints. Le premier jour, le prêtre conduisait l’assistance à la croix se trouvant sur le mur du cimetière, ensuite à la croix du chemin de La Raque, puis à la croix de l’obit de Labat et il continuait jusqu’à la croix Des Masquières. Le deuxième jour, on allait en procession à la croix du pont du Fresquel, à la croix de descapitado et à la croix de Rigou enfin on retournait à l’église. Le dernier jour, l’assistance se rendait à la croix de la maison Icart, puis à la croix de Saint Christol, la procession passait par le chemin du Moulin pour regagner la croix de Tescou.

 

Les Rameaux

Le dimanche des Rameaux, les fidèles se réunissaient sur la place où débutait la procession. Chaque personne portait un bouquet de rameaux, ceux des enfants étaient décorés de chocolats et de sucreries accrochés au feuillage. L’assistance se mettait en marche vers l’église en chantant des antiennes. Arrivée à la porte de l’église, la procession s’arrêtait et les chantres pénétraient à l’intérieur de l’édifice et chantaient des versets alternativement avec le prêtre et les fidèles. Les cantiques terminés, le prêtre frappait à la porte de l’église avec le bâton de la croix, on ouvrait les portes et la procession rentrait en chantant Cum Intrasset.

 

 

La fête de Saint Roch

Le 16 août de chaque année avait lieu la bénédiction des animaux de trait (bœufs, chevaux, …) du village et des campagnes. Elle se déroulait dans la grand-rue.

 

La visite de l’évêque

En 1879, Monseigneur François de Saint Albert, évêque de Carcassonne, effectue sa visite pastorale à Lasbordes. Au son des cloches, l’évêque est accueilli à l’entrée du village par le curé de la paroisse, l’abbé Escarguel en chape blanche, et six de ses confrères des villages voisins. L’autorité municipale avait tenu en honneur de recevoir, elle aussi, le pasteur. Monseigneur s’agenouille sur un prie Dieu, le curé lui présente la croix à baiser, après quoi ils se saluent profondément. Puis, la procession se met en marche au chant du Benedictus ou d’autres psaumes et cantiques. L’évêque se tient sous le dais et sur tout le parcours de la procession et jusqu’au seuil de l’église les rues avaient été transformées en véritable parterre, orné de laurier et de toute la verdure de la saison.

Arrivé devant la porte de l’église, le prélat asperge d’eau bénite les assistants puis le prêtre encense l’évêque et la procession entre dans la nef.

 

Le personnel de l’église

De nombreuses personnes assistaient le prêtre pour la préparation et le déroulement des cérémonies religieuses. Carillonneur, marguillières, enfants de chœur, suisse, chantres et organiste contribuaient largement à la solennité des fêtes et des processions.

Les cloches de l’église de Lasbordes ont eu, depuis des siècles, leur sonneur. Cette fonction exigeait une présence absolue au village, il fallait sonner l’Angélus trois fois par jour (à 7h, à 12h et à19h), puis les nombreux offices religieux. En 1876, les paroissiens se plaignaient que l’Angélus ne sonnait pas à Midi par négligence du sonneur. Celui-ci fut rapidement averti par le conseil de Fabrique afin que des plaintes contre lui ne se renouvellent pas. Ces carillonneurs ont annoncé, par la sonnerie des cloches, les moments heureux ou malheureux de notre village. Les anciens se souviennent d’Hyppolite Rolland, de Zénobie et Jean Esquirol, de Catherine et Jean Vié, d’Eugénie Rigaud, de Marie-Louise Derro. Plus près de nous, d’Hélène et d’Etienne Bataillé, sans oublier notre actuelle carillonneuse Marie-Louise Bataillé.

 

La décoration des autels était confiée à des dames que l’on appelait marguillière. Chacune de ces personnes avait, à sa charge, une chapelle ou le Maître Autel. Elles ornaient les autels de nappes, de candélabres, de chandeliers, de vases et de fleurs. Ces dames gardaient « leurs postes » de nombreuses années, en général, elles commençaient jeunes remplaçant des marguillières âgées. Il serait difficile de citer toutes les marguillières qui se sont succédées à la décoration de l’église de Lasbordes mais je mentionnerais exceptionnellement le dévouement d’Appolonie Rolland qui, repasseuse de son état, fut attachée au service du Maître Autel pendant de nombreuses années.

 

La liturgie nécessitait la présence de servants qui assistaient le prêtre dans l’exécution des cérémonies religieuses. Ces enfants de chœur étaient choisis parmi les garçons les plus sages de la localité. Ils revêtaient une aube blanche ou, pour les grands jours, une soutane rouge et un surplis blanc. Ils assistaient à tous les offices divins. Il fallait qu’ils connaissent la messe par cœur, les prières et les cantiques. Lors d’une sépulture, ils quittaient la salle de classe pour participer au service funèbre. Pendant très longtemps, ces enfants ont, par leur dévouement, contribué aux fastes des fêtes et à la gravité des cérémonies religieuses.

 

La fonction de suisse dans une église est apparue en France au second Empire. Cette personne, vêtue d’un uniforme spécial et coiffé d’un bicorne emplumé, maintenait l’ordre pendant les offices et les processions. Muni de sa canne au pommeau argenté, il faisait taire les plus bavards. A Lasbordes, le suisse a disparu vraisemblablement à la fin du XIXème siècle. En 1879, se fut Paul Sésostris, cultivateur, qui détenait ce poste.

 

Le chant tient toujours une place très importante dans la liturgie. Jadis, les chantres (uniquement des hommes) participaient par leurs chants aux offices religieux et aux processions. En 1875, ils étaient au nombre de huit, le premier chantre et l’instituteur du village instruisaient leurs confrères au plaint chant en période d’hiver. Aux sépultures, les chantres suivaient le cortège funèbre en psalmodiant. Les anciens se souviennent des chantres : Jean Boyer et Joseph Rolland dit Jousepou. Ensuite, un chœur de chant mixte, constitué d’une dizaine de personnes, a été créé. Parmi les solistes, on retrouvait les deux chantres déjà cités, Elise Tescou et Emile Bernadou. Plus tard, les voix de Clémence Perrissé, puis de Marinette Thuriès, Julien Thuriès et Louis Ferrasse sont venues s’ajouter au chœur. Les anciens Lasbordais ont encore en mémoire Joseph Rolland chantant l’Adeste Fideles, Noël en mer et Minuit Chrétien interprétés par Clémence Pérrissé ou la Messe des Morts entonnée par Julien Thuriès. Ces chants plongés l’assistance dans un « émoi solennel ».

 

L’accompagnement instrumental, à l’église de Lasbordes est apparu en 1860 avec l’ophicléide. C’était un instrument à vent muni de clés et d’une embouchure, il était, au XIXème siècle, en usage dans les églises pour accompagner le plain chant.

Peu après, l’achat d’un harmonium s’imposait pour rendre plus solennels les offices religieux, de plus, à cette époque, plusieurs églises rurales furent pourvues de cet instrument. L’achat de l’harmonium eu lieu en 1869, il s’agit d’un orgue à deux jeux provenant de chez Maugé, fabricant à Paris. Se sont succédés au clavier : Marie Cenet, Raymonde Boyer et Joseph Bousquet. Certains ont le souvenir du 8 mai 1945, lorsque la Victoire fut annoncée, la population se rendit à l’église où l’organiste joua La Marseillaise à l’harmonium.