DE LA RÉVOLUTION A LA SÉPARATION
Les biens de l’église furent vendus comme biens nationaux dans les années de la Révolution. La paroisse perdit à tout jamais ses biens fonciers et immobiliers. Le Cammas de la gleizo et les terres obituaires apportaient d’importants revenus à l’œuvre. Avec la suppression des biens, les marguilliers n’avaient de ressources que les dons des paroissiens.
La Fabrique de l’église de Lasbordes organisait des quêtes à domicile, aux fêtes des patrons de la paroisse et des cinq chapelles, afin de se procurer des ressources. Elle collectait du blé et du maïs (appelé millet) et du vin. La quête du blé se déroulait au mois de septembre et souvent en deux temps. Cette quête était suivie de celle du maïs. La vente des produits des quêtes rapportait pour l’année 1840 plus de soixante dix sept francs.
Nous avons déjà vu que le luminaire était très important dans une église. Pour entretenir en huile la lampe du Saint Sacrement, les fidèles donnaient du pain que les marguilliers vendaient. L’achat de la cire pour le Maître Autel et les chapelles est à la charge de l’église. Une quête est faite par le curé de la paroisse au profit de la Fabrique. Les marguilliers des chapelles effectuaient des collectes dans le village, les offrandes en nature ne sont pas rares, on donne du miel, des œufs,… .
Il arrive que l’on fasse appel à la générosité des fidèles pour acquérir des objets d’église comme en 1878, pour acheter un dais blanc prescrit par l’évêque de Carcassonne. La même chose se produisit pour l’acquisition du Chemin de Croix en 1888.
La vente du spontané du cimetière est toujours une source de revenus pour l’église. La Fabrique fait crier la vente de l’herbe dans les rues du village, cette herbe a été préalablement fauchée par un homme de la localité. La Fabrique vend également des matériaux de démolition (poutres, pierres,…) provenant des restaurations faites à l’église. On relève aussi que les Fabriciens vendent du miel trouvé dans les trous des murailles de l’église. La vente d’objets d’église n’est pas exceptionnelle, les marguilliers n’hésitent pas à vendre six chandeliers pour couvrir les dépenses de 1847.
La location des chaises et des bancs de l’église est un des moyens utilisé par la Fabrique pour alimenter ses caisses. Pour prévenir ou corriger certains abus, le conseil de Fabrique, en 1902, établit un règlement au sujet de cette location. L’abonnement est payé d’avance pour l’année s’ouvrant au 1er novembre, le prix des places est établi par les marguilliers. Les places non payées à cette date sont considérées abandonnées. Le montant varie selon la situation de la chaise dans l’église. L’attribution de ces chaises est faite par voies d’enchères publiques. Des places sont accordées gratuitement à certains employés de l’église. Le premier rang est en général réservé, au tarif ordinaire, aux jeunes filles qui prêtent leurs concours aux chants des offices.
D’autres ressources provenaient des droits perçus par la Fabrique sur les enterrements et plus tard, sur les mariages. Il existait des enterrements de première ordonnance (1ère classe) ou de deuxième ordonnance (2ème classe). Une sépulture de première classe coûtait plus cher, le prêtre portait de riches vêtements sacerdotaux, la croix processionnelle était de plus belle facture, le drap mortuaire de velours noir,… . Il en était de même pour un mariage, ceux qui se mariaient en première ordonnance avaient droit à des fauteuils et des pries Dieu capitonnés, un tapis au sol, … .
Nous avons vu que la Fabrique comptait sur la générosité des fidèles. Parmi ses paroissiens, certains lèguent dans leurs testaments, une somme d’argent à la charge par la Fabrique de faire dire des messes pour le repos de l’âme du légataire. Ces sommes sont placées en rente sur l’État par autorisation préfectorale. Les revenus dégagés par cette rente fournissent aux marguilliers des fonds nécessaires à l’achat d’objets de culte. En voici plusieurs exemples : Monsieur le marquis de Raymond-Lasbordes lègue par acte du 1er juillet 1823, une rente de cent francs payable chaque année au capital de deux mille francs. Pour sûreté du payement de ce capital et du service de cette rente, la Fabrique requiert une inscription au bureau des hypothèques de Castelnaudary contre le comte Charles Alexandre de Raymond chargé du payement de cette rente par le partage des biens de son père. Cette inscription frappe la métairie des Masquières. Le comte de Raymond vend cette propriété à madame Maury épouse de monsieur Estève, avec la charge aux acquéreurs de payer tous les ans cette rente. En 1853, monsieur Estève veut liquider la rente qu’il fait à l’église de Lasbordes. Le remboursement des deux mille francs formant le capital couvrira en partie les frais du plafonnement de l’église.
Le 10 mai 1841, Marie Barutel épouse Marty lègue à la fabrique de l’église de Lasbordes la somme de cent francs à la charge par cette fabrique de faire dire deux messes basses pour le repos de son âme et de celle de ses parents.
Madame Faure lègue, en 1868, quatre cent francs à la caisse du trésorier de l’église de Lasbordes. Cette somme sera placée en rente sur l’Etat et que le capital en sera inaliénable à condition que la Fabrique fasse dire une messe pour le repos de son mari chaque année et à perpétuité ainsi qu’une messe pour le repos de la bienfaitrice.
En 1850, cinq messes de morts annuelles et à perpétuité sont établies. Treize ans plus tard, elles sont au nombre de dix sept.
A la fin du XIXème siècle, les legs et dons sont de moins en moins nombreux et les dépenses de la Fabrique sont plus importantes. La liturgie de cette époque nécessite de riches ornements et de nouveaux missels. La Fabrique s’oblige à acheter tout ce
« Une belle église, vaste, voûtée, solidement bâtie remontant à une époque reculée. »
Félix Arsène, évêque de Carcassonne, visite pastorale à Lasbordes le 22 octobre 1884.
10 mai 1841, Marie Barutel épouse Marty lègue à la fabrique de l’église de Lasbordes la somme de cent francs à la charge par cette fabrique de faire dire deux messes basses pour le repos de son âme et de celle de ses parents.
Madame Faure lègue, en 1868, quatre cent francs à la caisse du trésorier de l’église de Lasbordes. Cette somme sera placée en rente sur l’État et que le capital en sera inaliénable à condition que la Fabrique fasse dire une messe pour le repos de son mari chaque année et à perpétuité ainsi qu’une messe pour le repos de la bienfaitrice.
En 1850, cinq messes de morts annuelles et à perpétuité sont établies. Treize ans plus tard, elles sont au nombre de dix sept.
A la fin du XIXème siècle, les legs et dons sont de moins en moins nombreux et les dépenses de la Fabrique sont plus importantes. La liturgie de cette époque nécessite de riches ornements et de nouveaux missels. La Fabrique s’oblige à acheter tout ce qui est indispensable aux services divins. En 1875, la visite pastorale de l’évêque est annoncée, les marguilliers s’empressent de restaurer l’église malgré les fonds insuffisants de la Fabrique. La paroisse fut redevable d’une somme assez considérable aux exécuteurs des travaux. Les ouvriers consentirent à être payés plus tard, la Fabrique décida que les ouvriers seraient payés en l’année courante (1876) lors de la rentrée de l’argent des chaises.
Le conseil de Fabrique paye également le traitement annuel du personnel de l’église. Le sonneur de cloches reçoit cinquante francs en 1876, il doit aussi distribuer les chaises volantes de l’église. Le suisse reçoit un traitement de trente six francs en 1862, la Fabrique lui a fourni son habit, ses souliers et sa canne au pommeau argenté.
Lorsque la Fabrique est en déficit, c’est le curé de la paroisse qui fait l’avance. Cette somme lui est rendu au fur et à mesure que l’état financier de la Fabrique le permet. En 1900, la dette contractée envers l’abbé Escarguel est éteinte par la renonciation de ce dernier aux droits qu’il pouvait avoir.
Quant aux grosses dépenses, elles incombent à la commune ou à l’État. Il arrive que la Fabrique participe aux frais, ce fut le cas lors de la construction du clocher où les Fabriciens apportèrent six mille francs.
Les marguilliers et les fabriciens composent le conseil de Fabrique qui administre les biens de l’église de Lasbordes Ce conseil est établi selon les règles du décret de1809 relatif au Concordat. Les fabriciens établissent un registre de délibérations du conseil et un registre des recettes et dépenses.
Les fabriciens sont au nombre de sept. Le bureau est renouvelé partiellement tous les trois ans par ses membres, ils élisent un président et un secrétaire. On retrouve parmi les membres, le curé de la paroisse et le maire de la commune. Le conseil de Fabrique se réuni au presbytère le dimanche de Quasimodo (dimanche après Pâques) et le premier dimanche des mois de juillet, octobre et janvier. Lors de ces séances, les fabriciens apurent le compte des recettes et des dépenses de l’année écoulée, ils votent le budget de l’année suivante. Les délibérations du conseil porte régulièrement sur l’entretien de l’église et du presbytère, sur l’acquisition d’objets liturgiques et sur les autorisations de legs demandés au préfet. Le bureau des marguilliers, choisi parmi les fabriciens, se compose du curé de la paroisse, d’un président, d’un secrétaire et d’un trésorier. Les marguilliers dressent le budget de la Fabrique, préparent les affaires qui doivent être présentées au conseil. Il est également chargé de l’exécution des délibérations des fabriciens.
Pendant près d’un siècle, la Fabrique de Lasbordes a su préserver les biens que la paroisse lui avait confiés. Avec sa bienveillance, l’église fut restaurée, aménagée et embellie. Nous lui devons le plafonnement de l’édifice, la construction de l’actuel clocher, l’acquisition des grands tableaux et du Chemin de Croix. Grâce aux dons des fidèles, notre paroisse ne manquait de rien, les marguilliers fournirent à l’église tous les objets religieux nécessaires au culte divin.
La Fabrique est supprimée en 1906, laissant au conseil paroissial la gestion de l’établissement. Le 30 avril 1905, le conseil décide d’établir un inventaire des objets mobiliers de l’église que réclame l’évêché depuis 1863. Au mois de décembre de la même année, le conseil de Fabrique se refuse à dresser l’inventaire car le vote des lois de séparation entre l’Église et l’État se poursuivait à ce moment-là. Le conseil précise que l’inventaire ne peut être réalisé car la Fabrique ne se reconnaît pas la détentrice régulière de ces objets.
« Beaucoup de meubles ou objets ont été mis par les fidèles à la disposition du culte et pouvaient être prochainement réclamés très légitimement par leurs vrais propriétaires ». La loi précitée prévoit la confection prochaine d’un inventaire officiel dressé par les agents des Domaines. En France, lors des inventaires, des incidents violents eurent lieu dans certaines églises, les fidèles qui occupaient les édifices chassèrent les fonctionnaires.
A Lasbordes, l’inventaire est dressé le 12 mars 1906 à 9h du matin. A la messe du matin, chaque famille avait envoyé ses délégués. Ce fut au milieu de l’émotion la plus profonde que les pieux assistants accompagnèrent la Sainte Réserve au presbytère après l’office, au son grave de la cloche. Les membres du conseil de Fabrique et les hommes qui avaient assisté à la messe faisaient escorte au Saint Sacrement en portant des cierges. Les larmes coulaient de tous les yeux à la vue de Notre Seigneur subissant l’outrage de l’expulsion de son temple. L’agent des domaines et son commis sont reçus à la porte de l’église par monsieur le curé entouré du conseil de Fabrique au complet. L’abbé Falcou s’adresse énergiquement à l’agent « Nous voici donc sur le seuil de cette église pour y appliquer, au nom du gouvernement dont vous êtes le mandataire, la première mesure odieuse de la trop fameuse loi de séparation…Ils (les marguilliers) ne veulent point trahir la confiance bien méritée dont les a honorés la paroisse. Ils savent qu’ils représentent ici une population catholique, justement fière et jalouse de sa belle église et des trésors précieux dont sa générosité la largement dotée… . Aussi s’ils étaient absolument libres de leurs actes, ils feraient de leur personne un rempart pour défendre ce lieu béni, et c’est en passant sur leurs corps que vous entreriez dans ce temple. …Mgr l’évêque, par une décision que nous comprenons et que nous respectons, a voulu pour éviter des conflits pénibles pour tous, opposer une attitude pacifique à des mesures sournoises… Sachez toutefois, monsieur le percepteur, que dans cette église où nous allons entrer, rien, absolument rien que nous sachions, n’appartient à l’État. Chaque tableau, chaque objet que vous allez inventorier à son histoire dans les fastes religieux de nos familles chrétiennes et celle-ci vous obligeront tout à l’heure à enregistrer leurs légitimes et régulières revendications. C’est donc, bien imprudemment, j’allais dire bien injustement que l’État se mêle d’en dresser l’inventaire…et nous savons que l’inventaire d’aujourd’hui n’est que le prélude de la spoliation de demain. Voilà pourquoi au nom de cette population catholique qui assiste là, frémissante et exaspérée, au nom de nos droits de citoyens libres d’un État libre, au nom de tous nos titres de propriétés les plus incontestables et les plus légitimes, nous protestons énergiquement et de toutes nos forces contre l’acte inique qui va s’accomplir. » Les applaudissements de la foule ont interrompu à plusieurs reprises ces paroles prononcées avec une fermeté pleine de dignité et c’est aux cris répétés de Vive le Christ ! Vive la Liberté ! que les agents pénètrent dans l’église. L’inventaire est fait rapidement au milieu de la gène très visible des opérateurs tandis que la population en un chœur bien nourri, proclame ses sentiments de foi en chantant : Nous voulons Dieu ! Pitié ! Mon Dieu ! et le Parce ! .
Par une circulaire en date du 30 octobre 1906, le préfet de l’Aude invite les fabriciens à remettre au Receveur des Domaines dans la huitaine qui suivra le 14 décembre les fonds et valeurs, titres et documents dont ils ont jusqu’à présent la garde. Le 13 décembre 1906, la dernière séance du conseil de Fabrique de Lasbordes a lieu. Alexandre Jalbaud président, Pierre Perry trésorier, Paul Falcou curé de Lasbordes, Pascal Thuriès, Michel Bordes et François Icart membres « protestent énergiquement contre l’iniquité qui va s’accomplir malgré eux et qu’ils ne peuvent empêcher. Ils déclarent qu’ils s’attachent, plus fermement que jamais, à leur foi catholique et aux enseignements et direction de la Sainte Église. Les fabriciens regardent comme injuste et essentiellement sacrilège toute dévolution des biens de la Fabrique de Lasbordes faite contre la violation des droits de l’Église et supplient Dieu de ne pas faire retomber sur notre infortuné pays les crimes de ceux qui le gouvernent dans l’oubli de la justice et dans la haine de notre Sainte Religion ». (extrait des délibérations du conseil de Fabrique du 13 décembre 1906)
Les fonds et les titres de la Fabrique de Lasbordes furent versés à la caisse des œuvres de bienfaisance de la commune.
Figure 1 : Saint Jean-Baptiste, 1844, Bernadou.