LE CLOCHER

 

Figure 6 : Clocher de l’église de Lasbordes, 1905-1907.

 

 

L’évêque de Carcassonne, lors de sa visite pastorale, en 1884, note «qu’il est regrettable que la place d’une chapelle occupée par le clocher tienne celle qui ferait le pendant d’une autre existant déjà dans cette église ».

Il est vrai que la destruction des murs sud et Est de la tour-clocher créerait une travée supplémentaire à l’église.

Sa construction

En 1903, les voisins de l’église se plaignent du mauvais état dans lequel se trouve le clocher.

Les murs nord et ouest de cette tour sont, dans leurs parties supérieures, en surplomb de dix à vingt centimètres car ils se sont détachés des quatre piliers qui devaient garantir la solidité des murs.

Le conseil de fabrique, soucieux de veiller à la sécurité publique et la conservation de l’église, décide d’effectuer de grosses réparations au clocher.

Hélas, le conseil de fabrique, ayant peu de ressources, informe la commune sur l’état de la tour afin qu’elle prenne une décision sur les travaux à réaliser avec le concours d’un homme de l’art.

C’est l’architecte Vassas, chargé des édifices diocésains, qui établit les plans et devis des travaux.

Dans son rapport, il propose deux projets dont le premier est de restaurer le vieux clocher qui entraînerait

une dépense considérable. Le deuxième est de choisir un autre emplacement pour construire un clocher complètement neuf en utilisant les matériaux de la vieille tour. Ce projet permet de réduire la dépense et la position de cette nouvelle construction permettra de placer l’horloge au milieu du village. L’architecte projette d’élever le clocher au-dessus du portail d’entrée de l’église situé sur la façade sud. C’est le second projet qui est retenu par le conseil municipal et la Fabrique de l’église. Par précaution, l’autorité municipale fait descendre les cloches de la tour et les installe sur des tréteaux contre la façade sud de l’église. Le devis estimatif de la construction du clocher s’élève à quatorze mille francs. La Fabrique s’engage pour sa part contributive à verser six mille francs (la commune versera la différence, soit huit mille francs ). Ce budget est composé par les excédents des exercices précédents (mille francs ) par un emprunt au Crédit Foncier (deux mille francs ) et par des dons anonymes (trois mille francs ).

Finalement, en 1904, de nouveaux bienfaiteurs apportent un capital de deux mille francs à la Fabrique qui décide de renoncer à l’emprunt qu’elle devait contracter.

On pense toujours que ces dons anonymes d’un montant de cinq mille francs proviendraient de la vente de la statue reliquaire Saint Christophe au milliardaire américain Pierpont Morgan.

Les travaux débutent en 1905, ils se poursuivront jusqu’en 1907, sur les plans de l’architecte Vassas, Antoine Barrière, de Castelnaudary en est l’entrepreneur.

La voûte de la chapelle Saint Jean-Baptiste est démolie et les murs est et sud de la tour sont détruits ainsi que la partie supérieure des murs ouest et nord créant ainsi l’espace d’une travée. On exécute, à cet endroit, un plafond voûté identique au reste de l’église, les arceaux sont construits en brique.

On érige également une chapelle entre deux contreforts de la façade sud de l’église. Cette construction, dédiée à Saint Joseph, s’ouvre dans la nef au niveau de la troisième travée et fait le pendant à la chapelle de la Vierge. C’est à madame veuve Angélique Barthe, née Rodière, à qui l’on doit la fondation de cette chapelle.

 

Figure 7 : Clocher de Lasbordes lors de son achèvement.

 

Comme prévu, le nouveau clocher-porche est bâti au-dessus du portail d’entrée entre deux contreforts. Les moellons de grès utilisés pour sa construction proviennent, en partie, de matériaux de récupération de la vieille tour. Le reste est extrait des carrières de pierres de Saint André et de la Rouquette (commune de Lasbordes).

Construit de style gothique, en harmonie avec l’église, ce clocher est composé d’une tour carrée surmontée d’une flèche élancée et couronnée d’une croix en fer. La hauteur totale de la construction est de trente trois mètres environ. La voussure du portail d’entrée retombe sur des chapiteaux décorés de volutes. Les colonnettes et les archivoltes, ornant le portail, reposent sur des blocs de granit. L’ensemble est surmonté d’un gâble lui-même couronné d’un pinacle. Entre le clocher et le contrefort ouest, une tourelle abrite l’escalier à vis qui conduit aux cloches. Au-dessus du porche, est placé une pierre sculptée aux armes de Lasbordes. Ce blason, dont l’origine m’est inconnue, figurait sur les fontaines publiques du village, inaugurées en 1884.

 

Le témoignage de Louis Eutique en 1968 sur la construction du clocher, précise que parmi les ouvriers de l’entreprise Barrière, il y avait un nommé Pabot et un autre Massot, tous deux habiles maçons façonnant la pierre de taille à longueur de journée. Un autre manœuvre maçon s’appelait Voisin et portait une perruque comme un chinois. Lorsqu’il fallut placer la croix au sommet du clocher, le vent marin soufflait violemment : ceci ne découragea pas les maçons, cette croix de trois mètres de haut fut donc solidement fixée.

Les cloches

 

Actuellement, le clocher de l’église de Lasbordes renferme trois cloches. Depuis le XVIIème siècle, ce nombre a évolué. En 1616, une réparation est effectuée aux battants des deux cloches (petite et grosse ).

Plus d’un siècle plus tard, le 21 juin 1740, l’évêque de Saint Papoul note, lors de sa visite pastorale, la présence de trois cloches.

Cet état demeurera ainsi jusqu’à 1793. A cette date, les autorités nationales réclament la remise des cloches. Le conseil municipal décide de remettre deux cloches sur trois au Directoire du district de Castelnaudary.

Mais la loi du département précise, pour le maximum, de ne conserver que deux cloches car il fallait différencier le tocsin d’alarme aux sonneries des offices divins. La commune de Lasbordes remet donc une cloche.

Le procès verbal de la visite pastorale de 1875 donne des précisions sur les deux cloches. La grosse a une circonférence de trois mètres et une hauteur de quatre vingt dix huit centimètres alors que le périmètre de la petite est d’un mètre cinquante sept avec une hauteur de cinquante cinq centimètres. Lors de la construction de l’actuel clocher, les cloches furent installées sur des tréteaux contre la façade sud de l’église.

Dans l’inventaire des biens de la paroisse de Lasbordes (1906), établi à la séparation de l’Eglise et de l’Etat, on apprend qu’il y a trois cloches. Il est dit qu’une cloche a été donnée par monsieur Bourlat, qu’une autre est un don de monsieur Couronne et la troisième est la cloche paroissiale.

Figure 8 : Cloche paroissiale, XVIème siècle.

La grosse cloche s’appelle Christophe, son parrain fut André Bourlat propriétaire du domaine de Villagre au début du siècle. La cloche de taille moyenne est prénommée Eutrope et son parrain fut Gabriel Couronne, gendre de monsieur Gieulles propriétaire de Saint Jory. Ces deux cloches furent fondues par Martin fondeur à Foix. Le baptême de ces cloches eu lieu le 30 août 1903 en présence de Monsieur Cantegril vicaire général du diocèse de Carcassonne, de Paul Falcou curé de Lasbordes et de Jean Escarguel ancien prêtre de la paroisse. Assistés également de Michel Boyer maire, d’Alexandre Jalbaud président du conseil de Fabrique et de ses membres Michel Bordes, Pierre Perry, François Théron, Pascal Thuriès et du « peuple fidèle, joyeux et triomphant » (inscriptions latines relevées sur les cloches). Pour leurs baptêmes, on avait revêtu les cloches de robes blanches. La petite cloche ou cloche paroissiale est ancienne. Elle date des années 1580 comme l’indique ses inscriptions, elle fut sans doute fondue après les troubles des guerres de Religion.

Aujourd’hui, les cloches sonnent tous les jours l’Angélus à 12 H et 19 H Elles annoncent également les messes par trois reprises selon l’usage (le premier, une heure avant l’office, le second, une demi-heure avant et le troisième dix minutes avant). Lors d’un décès, le glas est sonné après l’Angélus et il annonce le service funèbre par trois reprises.

De nos jours, l’usage des cloches est limité aux services religieux. Jadis, les cloches sonnaient les offices divins qui étaient plus nombreux mais aussi pour réunir la population afin d’exiger son concours pour prévenir ou arrêter un accident. C’était le cas, lorsqu’un incendie se déclarait dans le village, le tocsin sonnait pour avertir les habitants qui se regroupaient pour éteindre eux-mêmes le feu.

Pour les festivités, les cloches sonnaient la veille et le jour du 14 juillet et pour la Saint Christophe.

Les cloches participèrent aux grandes heures de notre histoire. Le 18 juillet 1815, Lasbordes fête le retour de Louis XVIII sur le trône de France. Les cloches ont sonné plus de deux heures avec une grande solennité alors que les jeunes filles du village chantaient l’air de Vive Henri IV. Plus tard, le 11 novembre 1918 et le 8 mai 1945, les cloches ont retenti pour annoncer la Victoire.

Depuis 1982, les cloches sont régies par un système électronique.

 

L’horloge

« Depuis longtemps, les habitants de Lasbordes se plaignent de la défectuosité de l’horloge publique qui n’indique que très irrégulièrement les heures » (extrait du cahier de délibérations de 1824).

 

Déjà, en 1824, le conseil municipal avait reconnu la nécessité de la faire réparer mais le prix de cette restauration était trop élevé. En 1863, la commune désire changer l’horloge et fait appel à Pierre Audrand, mécanicien horloger, à Saint Félix-Lauragais (Haute-Garonne). Ce dernier propose au conseil municipal une horloge d’un calibre à pouvoir frapper, sur une cloche du poids de mille à mille deux cent kilogrammes, les heures, les répétitions d’heure et les demies. Cette horloge n’a besoin d’être remontée que tous les huit jours, son cadran extérieur, d’un mètre de diamètre, est composé d’une plaque en tôle peinte avec deux aiguilles en fer. Le sieur Audrand fixe le prix de cette horloge à mille francs moyennant l’abandon du vieux mécanisme.

La somme est payable en cinq annuités de deux cent francs chacune sans frais. La commune de Lasbordes accepte le projet et commande l’horloge qui est placée dans la tour clocher.

En 1905, lors de la construction de l’actuel clocher, l’horloge est installée dans le nouvel édifice. Deux cadrans sont placés, l’un sur la façade sud, l’autre au nord. De cette manière, l’heure est visible de la grand’rue ainsi que des champs et des jardins situés au nord du village.

Il y a quelques décennies, l’horloge ne fonctionnait plus. Lorsque la municipalité a décidé d’électrifier les cloches, l’horloge a été remise en état. Mais, hélas, le mécanisme s’est rapidement dérégler.

De nos jours, les aiguilles sont toujours immobiles, seules les sonneries des heures, répétitions et des demies sont assurées par une horloge électronique.